Bébé, Ervin était un enfant très calme. Il ne pleurait presque pas, et s’il pleurait ses crises ne duraient jamais très longtemps. Ainsi sa mère pensa longtemps qu’avoir un enfant n’était pas si terrible que ce que sous entendait la plupart des jeunes parents, d’autant plus que le père d’Ervin étant parti, elle devait l’élever seule. N’ayant pas fait de grandes études et parce qu’elle n’avait pas le choix, elle du cumulait deux petits boulots afin de réunir de quoi vivre. Alors la vie pour elle n’était pas toujours facile, mais elle s’en sortait plutôt bien. Et alors que sa tête blonde venait de fêter ses deux ans, madame Thight rencontra un beau garçon avec qui elle se maria, et eu une petit fille, Louana. On assista alors malheureusement au cas typique de l’enfant qui ne supporte pas son beau-père.

Ervin bien que silencieux jusque-là cumula une jalousie envers son nouveau père, et envers sa sœur. Il devint turbulent, enchaînant bêtises sur bêtises. Certains fins esprits diront qu’il voulait attirer l’attention sur lui. Mais au final peu importait la raison, les crises de colères étaient bien présentes et violentes malgré son jeune âge. Il finit même quelques fois à l’hôpital. Frapper dans une vitre sous l’influence de la colère n’est jamais une bonne idée. A ce stade sa mère avait changé d’avis, être parent n’était pas si facile. Mais le pire était à venir, car à ce que l’on dit tout enfant devient bien plus terrible lors de sa crise d’adolescence.
 
Sa mère n’avait plus aucune autorité sur Ervin, et il se trouvait en perpétuel conflit avec son beau-père. Quant à son père, il ne l’aura jamais vu. La seule personne qu’il supportait un tant soit peu était sa petite sœur. Alors lorsque vint le moment de choisir ce qu’il voudrait faire plus tard, il n’y avait personne qu’il écoutait assez pour le pousser à y réfléchir plus que ça, et il finit par se retrouver pieds et poings liés lorsqu’un choix devînt inévitable. Il commença alors à parler autours de lui, à ses amis, et pu faire quelques stages ici et là pour tester différentes choses. Finalement ce qui l’intéressa le plus fut assez inattendu pour lui, car il s’orienta vers un métier de garagiste.
 
Après quelques temps à étudier la mécanique, il finit par se trouver un emploi dans un garage. Alors s’il ne voyait plus vraiment sa famille, il était plutôt heureux. Il avait quelques amis avec qui il aimait sortir le week end, et la semaine il travaillait tranquillement, finissant sa journée avec un joint, adossé au balcon de son appartement miteux – au moins avait-il un balcon. De temps à autres, il revoyait sa sœur, et il jouait son rôle de grand frère trop protecteur. Il vérifiait que les mecs qu’elle se trouvait semblaient corrects, et il s’assurait qu’elle travaille bien. Il n’avait pas très bien compris ce qu’elle comptait faire, mais ça avait l’air d’être en rapport avec la biologie. Néanmoins elle avait tendance à l’agaçait, à constamment ramener le sujet sur sa mère. Apparemment celle-ci était triste et voulait qu’il passe la voir. Il vint un moment où Louana passait tous les jours, toujours avec le même discours. Alors un jour Ervin en eu marre et arrêta de lui ouvrir la porte.
 
Enervé que ça se finisse ainsi, il fuma un peu plus, et se dit qu’il serait plus rentable de faire pousser ses propres plants plutôt que d’acheter. Il pourrait en plus revendre derrière et se ferait un peu d’argent. Quelques temps plus tard, Louana revînt, mais la porte resta close. Une semaine plus tard, elle retenta l’expérience, mais cette fois-ci supplia son frère de lui ouvrir. Lorsqu’il put entrer dans l’appartement, Ervin la vit les yeux rouges et bouffis. Si elle avait autant insisté pour qu’il vienne voir leur mère, ce n’était pas parce qu’elle était triste mais malade, mais à présent il était trop tard pour venir la voir. Elle dit qu’elle serait enterrée le lendemain et s’en alla.
 
Ervin resta sans bouger un long moment, les yeux dans le vide. Soudain il se leva, envoyer sa chaise valser, sa table le rejoignit ainsi qu’une bonne partie de ses meubles. Il s’en voulait. Il s’en voulait terriblement de ne pas être allé la voir. Depuis combien de temps, combien d’années n’était-il pas allait la voir ? Quel était son dernier souvenir d’elle ? Probablement une énième dispute. Il en voulait à sa sœur aussi, pour ne pas avoir été plus claire. Triste ? Sa mère n’était pas triste elle était putain de malade ! Il n’avait pas quatre ans, il n’avait pas besoin qu’on le ménage, qu’on lui cache la vérité !
 
Le lendemain il fuma, beaucoup, et se rendit à l’enterrement. Il n’avait pas dormi de la nuit et ne tenait presque plus debout. Quand il arriva et que l’enterrement fut terminé, il ne lui fallut pas plus qu’un regard de reproche de la part de son beau-père pour se mettre dans une colère noire. Il lui asséna un violent coup de poing et ne se serait probablement pas arrêté en si bon chemin si on ne l’avait pas retenu en arrière. Il s’en foutait que ça ne se fasse pas à un enterrement, qu’il manquait de respect à sa mère. Elle était morte de toute façon, qu’est-ce que ça allait changer ? Elle était morte et pensait probablement que son fils n’était même pas venu, que c’était un enfoiré, un connard qui ne changerait jamais. Et alors ? Elle n’aurait pas tort de penser cela après tout.
 
Après cette terrible scène il rentra chez lui et tenta de se calmer, mais rien n’y parvint. Il ne voulait voir personne, repoussait ses amis et les jours suivants furent terribles. Se mettre les gens à dos, ça il savait faire. Il se sentait terriblement seul, triste, et en colère envers lui-même, et puis envers le monde entier en fait. Dans la rue, il pouvait en venir aux mains pour un rien, et il ne tarda pas à se faire virer de son travail après s’être embrouillé avec chaque collègue, chaque client, son patron, …
 
Alors, un soir qu’il était complètement défoncé et qu’il déambulait dans la rue, une nouvelle occasion de se battre se présenta à lui. Un mec visiblement saoul comme pas permis lui réclama son portable. Ervin ne lui donna évidemment pas et s’énerva sur lui. Ce fut probablement la bagarre la plus ridicule de tous les temps, et pourtant il suffit d’un coup à la tête. Ervin trébucha, tomba sur un escalier à côté, roula jusqu’en bas et ne se réveilla jamais. C’était vraiment con comme mort, il avait eu des altercations bien plus violentes et épiques, et il fallait que ce soit celle-ci qui lui soit fatale ! Le pire dans l’histoire était surement qu’il ne savait pas si le mec lui avait volé son portable avant de détaler comme un lapin. Mais bon après ce genre de chute, le portable n’était peut-être plus en état de fonctionner, lui non plus.
 
Après cela, Ervin se retrouva dans une ville immense, il ne savait pas trop où. Il lui fallut un peu de temps pour comprendre ce qui l’entourait – bien qu’il n’était toujours pas sûr d’avoir vraiment compris. Mais une chose était sûr, sa colère ne l’avait pas quitté. Il ne savait pas si toutes les personnes décédées se retrouvaient ici, mais il voulait retrouver sa mère. Cependant il n’était pas encore sûr de ce qu’il lui dirait. Je suis désolé ? Je t’aime ? Je te hais d’être morte sans m’avoir prévenu ? Il avait encore le temps d’y penser.

Néanmoins il fallait encore trouver comment s’occuper. Il avait hésité à retourner dans un garage, mais il y avait beaucoup trop de mauvais souvenirs qui l’attendaient là-bas. Alors il opta pour autre chose. Ayant toujours aimé le monde de la nuit, il décida d’adopter le métier de serveur dans un bar.