Grisha est né dans une ville pas loin de Saint-Petersbours, le sept septembre. Il pleuvait ce jour là. Non, ça n'a aucune importance. Il était fils unique, et pas vraiment désiré. Fils d'une jeune prostituée et d'un client pas assez prudent, ça ne pouvait donner qu'un beau mélange.  


Grisha s'était souvent demandé pourquoi elle avait décidé de le garder, en fait. Elle avait pas beaucoup d'argent, et c'est tout juste si elle avait de quoi se nourrir elle même. D'ailleurs, le faire passer avant elle quant à la nourriture, c'était bien la seule chose qu'elle faisait. Elle n'était que rarement à la maison, et lorsqu'elle y était, c'est presque si elle faisait attention à lui. À part lui laisser de quoi manger.. Il ne se souvenait même plus de sa voix.


Aussi, elle n'a jamais pris la peine de l'envoyer à l'école. Il l'avait entendu marmonner que de toute manière, ça ne servait à rien. Elle y avait bien été à l'école, et voilà où elle en était. Grisha passait donc ses journées dans le petit appartement délabré qu'ils avaient, si on pouvait encore appeler ça un appartement, à lire des livres pour adultes qu'il ne comprenait absolument pas. Il avait appris à lire tout seul, par contre. Ça avait été lent et difficile, mais il y était parvenu. Adulte, il a encore parfois un peu de mal.


Les années passaient, Grisha grandissait. Sa mère lui laissait de l'argent parfois, avant d'aller au boulot. Elle mangeait de moins en moins, et lui économisait en croyant pouvoir s'offrir une vie plus radieuse, plus tard. Adolescent, il sortait la journée au lieu de lire. Il n'avait pas énormément de mal à se faire des amis, rencontrant souvent ceux-ci en fin de journée, après qu'ils aient fini les cours. Aucun ne comprenait pourquoi lui ne venait pas à l'école, alors il en profitait pour se faire passer pour un rebelle. Ça fonctionnait plutôt bien, malgré son apparence chétive. Et puis ça faisait rire ses amis. Certains l'avaient même invité à jouer chez eux, mais à chaque fois que les parents de ces amis demandaient ce que faisaient ses parents, ils insistaient auprès de leurs enfants pour qu'ils arrêtent de le fréquenter. Pourtant, à douze ans, Grisha n'était pas méchant du tout. Il partageait même les barres de chocolat qu'il arrivait à s'acheter une fois par semaine avec ses économies.


À seize ans, il s'acheta une coloration, au grand supermarché de la ville d'à côté. Avec ses économies, il avait largement les moyens. Pourquoi il avait fait ça ? Parce qu'il aimait bien le rouge. Tout simplement, il trouvait que c'était une belle couleur et il ne voyait pas pourquoi il ne pourrait pas faire ça. Sa mère n'avait rien dit, de toute façon. À partir de ce moment, il essaya de se trouver de divers emplois, à droite et à gauche. Il nettoyait dans les salons de coiffure miteux, rangeait les aliments dans les supérettes, plein de trucs comme ça. On lui donnait pas grand chose, mais c'était déjà ça. Il aurait aimé avoir un vrai boulot, mais sans études, c'était pas génial. Il faisait de son mieux pour être poli, souriant. Il souriait aux filles du coin. Et ce n'est pas parce qu'il avait du mal à lire qu'il ne savait pas parler. Il avait fini dans le lit de plusieurs filles assez mignonnes, et quand il partait pendant la nuit il prenait soin de toujours prendre au moins un billet dans le porte monnaie de la pauvre fille. De toute façon, il faisait de son mieux pour ne pas les recroiser par la suite. Ça lui faisait juste des économies en plus, et grâce à ça sa mère mangeait un peu plus. À ses dix-huit ans, il décida de se mettre au sport. Comme ça, parce qu'il se trouvait vraiment trop maigre. Alors il s'improvisait des altères, et essayait de manger un peu plus sainement. Sa mère disait ne pas comprendre, il s'en foutait. Plus il avait de muscles, plus les filles venaient le voir. Certains garçons aussi, sûrement parce qu'il avait un style particulier qui les intriguait. Il s'achetait souvent des bijoux, du toc bien sûr, parce qu'il trouvait que ça lui allait bien. Et sa mère n'avait pas compris pourquoi elle avait un nouveau tube de rouge à lèvre dans sa boîte. Elle ne mettait jamais de rouge à lèvres noir, elle...


Enfin, jusqu'à ses vingt-cinq ans, Grisha n'eut jamais de « vrai » boulot. Et il se débrouillait toujours, pourtant. Il couchait à droite et à gauche, volait de moins en moins. Jamais eu de copain ou copine fixe, sauf une fois, une fille vraiment adorable pour qui il avait vraiment eu des sentiments. Mais elle l'avait quitté au bout d'un an, et il n'avait pu que faire son deuil et passer au dessus. De toute façon, elle le trompait.


C'est pas un beau jour, plutôt moche en fait parce qu'il pleuvait encore, il comptait partir de chez une énième conquête, qu'il côtoyait depuis plusieurs jours. Mais il commençait à la trouver bizarre alors il avait décidé de partir. Mais elle s'était réveillée, et avait littéralement pété un câble. Comme quoi elle avait des sentiments. Il avait levé les yeux au ciel, sa spécialité, et pris son manteau. Mais alors qu'il était en train de le mettre, cette cinglée elle.. Putain, elle avait détaché un barreau du lit et l'avait frappé au crâne. Deux fois. Il était tombé par terre, inconscient. Et elle avait frappé, encore et encore, jusqu'à ce qu'il y ait assez de sang par terre pour croire que ses cheveux dégorgeaient. Cette pute cinglée.


Maintenant, il se retrouvait là. Dans cette ville bizarre, et il s'occupe de faire régner la loi dans cet endroit entre deux mondes. Assez ironique vu son passez, comme si c'était une punition qu'il s'infligeait lui même. Mais de toute façon, il ne pouvait rien y faire, si ? Il avait l'impression qu'il n'allait pas s'ennuyer, ici.